Politologue à la réflexion lumineuse et aux idées fortes, Mathias Hounkpè a publié sur son profil Linkedln, une dizaine de réflexions ayant trait au mandat présidentiel, à la durée au pouvoir, à la fin des régimes et leur contribution à la démocratie. Essentiellement portées sur l’Afrique, ces réflexions inspirent autant qu’elles enseignent. L’auteur n’y apostrophe personne, ne tire aucune conclusion mais attire, en bon intellectuel, l’attention sur des détails importants. Dans ce premier article, il aborde la longévité au pouvoir et la fin, parfois tragique, de leurs auteurs avec des statistiques qui font froid dans le dos. Lisez.
La nécessité et/ou la pertinence de la limitation des mandats fait partie des débats en cours en Afrique par rapport la démocratie et sa mise en œuvre sur le continent.
Je propose une série de réflexions courtes sur les facteurs qui pourraient êtres pris en compte dans le cadre desdits débats. Il s’agit de façon spécifique, de passer en revue, dans une première partie ( composée de 10 petits papiers), ce que nous enseigne l’histoire politique récente de l’Afrique sur la durée au pouvoir. Il s’agira de tirer des leçons des conséquences de la durée au pouvoir pour la stabilité politique du continent.
Présidents assassinés vs. Présidents morts naturellement
Les derniers papiers publiés ont visé à mettre en exergue l’impact que peut avoir la mort au pouvoir d’un président selon la durée de son règne, d’une part, et selon que l’alternance a déjà eu lieu dans le pays considéré ou non, d’autre part. Dans ce papier, je voudrais me concentrer sur les causes des décès des présidents qui sont décédés au pouvoir, en Afrique, entre 1960 et 2024. En passant en revue les causes desdits décès, quelques curiosités se sont révélées à moi que je voudrais partager avec vous. Première curiosité, de 1960 à 2024, l’assassinat apparaît comme la cause du décès au pouvoir pour un pourcentage plutôt élevé de présidents en Afrique. En effet, 23 des 53 présidents morts au pouvoir pendant cette période ont été assassinés, soit environ 43%. Il s’agit, par exemple, de présidents tués par un commando d’exécution ou des hommes armés (par exemple, Anouar El Sadate d’Egypte – 1969 / 1970, Samuel Doe du Liberia – 1980 / 1990, Ibrahim Baré Mainassara du Niger – 1996 / 1999, Laurent-Désiré Kabila de la RDC – 1997 / 2001) ou même au front (comme Idriss Déby), etc. Deuxième curiosité, on constate que le taux d’assassinats de présidents au pouvoir a diminué de manière substantielle depuis le début des années 1990. En effet, entre 1960 et 1990, 13 présidents ont été assassinés sur un total de 26 présidents décédés au pouvoir, soit environ 50%. Or, entre 1991 et 2024, on dénombre 10 présidents assassinés sur un total de 27 morts au pouvoir, soit environ 37%. C’est tout comme si l’effort de démocratisation dans nos pays avait réduit, d’une certaine manière ou bien dans une certaine mesure, le recours à l’assassinat comme moyen de se débarrasser des présidents. Troisième curiosité, la crise cardiaque apparait comme une source de plusieurs décès de présidents en Afrique. En effet, de l’ensemble des 30 présidents morts au pouvoir de mort naturelle entre 1960 et 2024, au moins 13 ont perdu la vie des suites d’une crise cardiaque (du moins selon les versions officielles). Autrement dit, environ 43% des présidents décédés de mort naturelle l’ont été à la suite d’une crise cardiaque. C’est à se demander pourquoi des personnes, ayant déjà atteint un certain âge, insistent pour s’accrocher à une fonction qui tue aussi facilement par crise cardiaque.
A Suivre …
Mathias HOUNKPE