Telle une trainée de poudre, la nouvelle de l’arrestation de l’ancien ministre des sports Oswald Homeky, de Olivier Boko et du colonel Dieudonné Tévoédjrè, a envahi l’actualité nationale et internationale au petit matin du mardi 24 septembre 2024. Ces trois personnalités accusées d’avoir en projet le renversement du président béninois sont désormais aux mains de la justice au grand étonnement de tous les béninois compte tenu de la proximité de ces derniers avec le chef de l’État. Curieusement, beaucoup d’interrogations subsistent quant au timing, aux déclarations, au démenti, bref au scénario du film dont les béninois s’impatientent dans l’indifférence totale pour voir le dernier épisode. Pour répondre à ces interrogations voici quelques éléments d’analyse, des pièces manquantes du puzzle et surtout des erreurs que des professionnels du droit ont eu tort de commettre dans le déroulé de cette saga version rupture. Que s’est-il passé ?
Selon les déclarations du procureur spécial de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (Criet) Mètonou Elonm Mario Pierre-Cécil, l’ancien ministre Oswald Homeky aurait été arrêté suite à une descente des forces de l’ordre à son domicile à une heure du matin. Sur place, il y avait le colonel Dieudonné Tévoédjrè, patron de la garde républicaine qui lui aussi a été mis aux arrêts pendant que le ministre Homeky lui remettait de l’argent soit un milliards cinq cent millions de francs CFA, chargé dans le véhicule de l’ancien ministre, dans le but d’opérationnaliser ce projet. A deux heures du matin soit une heure plus tard, Olivier Boko qui serait le cerveau de l’opération a été à son tour arrêté puis gardé. Avant le procureur spécial de la Criet, les avocats des présumés ont donné de la voix à l’occasion d’un point de presse au cours duquel ils ont dénoncé l’arbitraire dans ce dossier et ont appelé l’opinion publique nationale et internationale à témoin. À la suite des avocats, un mouvement soutenant la candidature de Olivier Boko dénommé Objectif Bénin 2026 (OB 2026) a rendu public un communiqué dans lequel il dénonce l’arrestation de leur leader et réclame sa libération. Après ces sorties, c’est le silence plat. Les béninois observent et font leurs commentaires chacun à sa manière. La classe politique est restée silencieuse sauf quelques tentatives de prise de position des partis de la mouvance présidentielle. Du coup, chacun se fait des idées de la véracité ou non des faits reprochés aux présumés.
L’injustice d’une justice
Depuis quelques années plus précisément sous le régime dit de la rupture au Bénin, les arrestations sans mandat sont devenues monnaie courante. La police criminelle arrête et sans détour, la justice condamne. Peu avant les élections présidentielles de 2021, l’opposante Reckya Madougou a été arrêtée sur le pont de Porto Novo alors qu’elle revenait d’un meeting. Elle sera condamnée plus tard à 20 ans de prison. Le 15 Avril 2021, le professeur Joel Aïvo a été lui aussi arrêté, à Godomey Togoudo pendant qu’il revenait du cours à l’université d’Abomey-Calavi, puis condamné à 10 ans de prison. Tout ceci, sans mandat. La plus récente des arrestations illégales est celle de Steve Amoussou qui a été kidnappé dans la nuit du 12 au 13 juillet 2024 dans les rues de Lomé au Togo, puis conduit au Bénin nuitamment.
Dans le dossier tentative de coup d’État pendant devant la justice, les présumés ont été arrêtés entre une et deux heures du matin selon le procureur. La loi l’autorise-t-elle ?
Cette justice béninoise qui agit et réagit en dehors du cadre légal préalablement établi en s’alignant derrière la police criminelle qui arrête sans procédure normale requise en la matière, devient de plus en plus injuste et se discrédit au fil des jours créant un cadre de grande insécurité juridique au Bénin. Ces actes font de moins en moins foi et elle fait craindre le désordre qui s’érige en norme lorsque l’ordre déserte le forum.
Le démenti de la NSIA et ses implications
Faut-il encore croire à Mario ? Au lendemain de l’arrestation des présumés cités dans l’affaire de tentative de coup d’Etat, le procureur spécial de la Criet a, dans sa déclaration à la presse, fait savoir que les présumés auteurs de la tentative de coup d’État ont ouvert un compte dans les livres de la NSIA Côte d’Ivoire au nom du colonel Dieudonné Tévoédjrè avec un dépôt initial de 105 millions de francs CFA. Une information que la banque a très vite démentie précisant dans deux communiqués que l’intéressé n’a qu’un compte assurance avec un solde de 55 millions de francs CFA dans ses livres. Comment le procureur d’une cour si spéciale a pu se faire avoir si facilement dans un dossier si sensible ? Lorsque la ministre Réckya Madougou a été arrêtée, les béninois ont eu droit a des preuves similaires telles des captures d’écran comme celle des détails sur l’ouverture de compte au nom du colonel Tévoédjrè projetée aux journalistes ce 25 septembre 2024 à la Criet. Quelles sont conditions d’ouverture de compte bancaire surtout avec si grosse somme comme dépôt initial et est-il possible d’ouvrir de tel compte au nom d’un individu sans son consentement ? que disent les textes de la BCEAO en la matière et pourquoi le procureur n’a-t-il pas pris le temps de vérifier ces précisions avant de livrer au public la preuve contestée par la NSIA ? Qu’est-ce qui presse autant ?
Outre le démenti de la NSIA, le procureur dans sa déclaration n’a pas précisé le moyen de déplacement avec lequel le patron de la garde républicaine s’était rendu au domicile du ministre avant leur arrestation. Que peut-on donc conclure ?
Déjà, trois coups d’État qui seraient déjoués en moins de cinq ans sous le régime de la rupture. Trois tentatives d’atteinte à la sureté de l’État qui révèlent un malaise dans le pays et surtout la peur du régime en place qui soupçonne tout le monde même les plus fidèles au chef de l’État. Ce qui devient inquiétant aussi bien pour le Bénin présenté comme un pays risqué où tout peut basculer à tout moment et surtout pour le chef de l’État qui doit se poser des questions sur sa gestion de ses collaborateurs qui en viennent à vouloir le renverser.