« Déception », c’est le mot qui, selon lui, résume le bilan de Patrice Talon à la tête du Bénin. Interrogé par notre journal sur les 8 ans de la rupture, Jude Lodjou, membre de l’opposition, pense que cela n’a apporté rien de positif à l’Etat béninois. Il parle de la « démolition de la démocratie », de la « privatisation des ressources de l’Etat » et la « liberté des hommes ». L’ancien député de la 5è circonscription électorale et figure de proue du parti les Démocrates, ne trouve par ailleurs rien de positif à tirer de ce régime qu’il faut, selon lui, bannir.
Bonjour Monsieur la première question était aujourd’hui, cela fait 8 ans que le président Patrice Talon est au pouvoir. Si vous devez utiliser un seul mot pour résumer sa gouvernance ce serait quoi ?
Le seul mot que je pourrai utiliser, c’est le regret. Le regret si ce ne met pas le regret, je mettrai la déception. Je crois que la déception est meilleure. C’est le mot qui selon moi résume mieux la gouvernance de Talon pendant ces 8 ans. C’est la déception.
Quel bilan faites-vous de ces 8 ans de pouvoir ?
Moi je crois que les 8 années de la gouvernance sous la rupture sont caractéristiques de deux ou trois choses. Premièrement, la démolition de la démocratie. C’est à croire que la rupture s’est donnée pour objectif de détruire tout ce que nous avions construit comme charpente de notre démocratie. Évidemment la démocratie suppose que le peuple a plus de voix. La démocratie suppose qu’il y ait plus de clarté dans la gouvernance du pays. Et pour que ça ne soit pas ainsi évidemment ils ont commencé par travailler pour démolir notre architecture démocratique. Vous voyez les choix des responsables, les élections législatives de 2019, les élections communales de 2020 et les présidentielles de 2021. Regardez très bien, en 2019, ils ont sorti le certificat de conformité dans les conditions. Sans toute logique et sans scrupule, ils l’ont imposé parce que l’objectif, c’est d’écarter une frange de la population. C’est de ne mettre à l’Assemblée nationale que ses ouailles. Ça a été fait. En 2020, seuls les partis qu’ils ont autorisés en 2019 et qui existent c’est-à-dire leurs seuls partis politiques étaient autorisés à participer. Vous connaissez la suite. En 2021, ils ont inventé le parrainage pour empêcher les gens de l’opposition de participer. Le chef de l’Etat a organisé sa mascarade d’élection à lui-seul. Donc la première caractéristique de la gouvernance de Talon, c’est la destruction de nos acquis démocratiques. Ensuite, il y a une attaque frontale contre les libertés que nous avons passé du temps et d’énergie pour conquérir. Et enfin, en 3ème point, c’est la privatisation des ressources de l’État. Aujourd’hui regardez un peu ce qui se passe. Les grandes activités économiques qui doivent générer des ressources à l’État sont aux mains d’une caste. Vous connaissez la caste là. Les ressources du pays sont captées par le PVI. C’est Bénin Control qui capte les ressources douanières pratiquement et décide compte tenu de ce que je ne sais pas, quelle partie donner à la République du Bénin. Vous savez à qui cela appartient. Regardez les grandes ressources, le coton qui est la première culture de rente, ça appartient à qui ? Acajou et autres, c’est dans la main de qui aujourd’hui ? Donc j’appelle cela la privatisation de notre économie. Voilà les 3 caractéristiques que je peux dire en ce qui concerne la gouvernance de Patrice Talon en tant que responsable de la rupture.
Il y a quand même des points positifs de cette gouvernance. Lesquels selon vous ?
Je n’en trouve pas. Je ne trouve pas de points positifs de cette gouvernance. Cette gouvernance est une gouvernance meurtrière. Ils empêchent les gens d’aller aux élections et quand ils décident de manifester à main nue, on tire sur eux, on les tue. Les gens souhaitent aller aux élections, ils sont écartés puis jetés en prison, privés de leurs familles, détruisant ainsi leur vie de manière programmée. Et ils choisissent eux-mêmes ceux qui vont compétir contre eux. Ce n’est pas supportable. Je ne vois pas de point positif dans cette gouvernance là.
Pourquoi avez- vous décidé de vous opposer en dépit des persécutions ?
Oui on ne meurt pas deux fois, vous le savez très bien. Nous avons décidé depuis notre jeunesse de faire la lutte pour un idéal donné, de faire la lutte pour avoir un Bénin plus juste pour tout le monde. Euh bien, tant que cet idéal n’est pas atteint, vous n’allez pas vous dérober de votre lutte. Moi je n’ai pas voulu le faire. C’est vrai que c’est difficile. C’est vrai que les menaces sont là en permanence. Mais à mon âge, on continue de faire ce qu’on doit faire espérant qu’un jour le bout du tunnel viendra.
Quels sont selon vous les points où vous pensez que le président Talon a failli sur toute la ligne ?
J’ai commencé dire qu’il a détruit les libertés que nous avions dans ce pays. Il a détruit nos acquis démocratiques pour transformer sa gouvernance en une gouvernance de dictature. Nous ne sommes plus en démocratie avec lui, nous sommes en dictature. Et ça je ne peux jamais le lui pardonner. Il a failli sur tous les plans. La gestion de notre économie, il a failli parce qu’il l’a privatisé à son profit. Notre démocratie qui était notre fleuron qui faisait que le Bénin était exemple, il l’a détruite. Les libertés des hommes, il les a détruites. Et sous sa gouvernance, des Béninois sont morts parce que n’ayant plus la capacité de manger 3 fois par jour. Une gouvernance du genre, il faut la bannir.