Lentement, le Bénin se taille une bien triste réputation de pays phare du trafic d’être humain dans la sous région. Le dernier rapport de l’Ong Bénin Diaspora Assistance le confirme.
Le 14 février 2024, alors que les chrétiens catholiques se mobilisaient dans les églises pour le mercredi des cendres et le démarrage du carême, les amoureux s’organisaient pour préparer les cadeaux à l’être aimé et aller à des rencontres coquines. Ces ambiances de piété pour les uns, de plaisir pour les autres ont été perturbées par le dessein funeste d’un octogénaire de Hêvié qui choisit ce jour la vente de son petit fils pour se soustraire des affres de la pauvreté. Mal lui a pris, son complice s’est mué à informateur de la police et il a été mis aux arrêts. L’information fait froid dans le dos dans un pays où l’on a toujours considéré la protection des grands parents comme la meilleure et leur confiance comme la plus infaillible. Cinq jours plus tard, une autre infirmation à couper le souffle éclabousse la toile : deux individus sont été arrêtés à Glo-Djigbé dans la nuit du 18 au 19 février avec une glacière contenant la tête d’un homme fraichement coupée et des organes humains. C’est le comble. Le Bénin semble se transformer progressivement en une terre de crimes, de sacrifices humains et de vente d’êtres humains de toutes sortes. Et c’est d’ailleurs ce que confirme le rapport 2023 de l’Ong Bénin Diaspora Assistance dirigée par Médard Koudébi.
Bons textes, application zéro
Le Bénin a fait assez d’efforts au plan législatif pour protéger les mineurs. En dehors de la Convention relative aux droits de l’enfant dont l’article 35 qui fait injonction aux états parties de protéger les enfants contre un enlèvement ou la vente, le pays s’est doté de la loi N°2006-04 du 10 avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d’enfants en République du Bénin stipule en son article 2 que « la traite et le trafic d’enfants sont interdits en République du Bénin ». En dépit de ces efforts, les choses n’ont pas trop changé. Le rapport de l’Ong Bénin Diasporas Assistance le prouve. « Au cours de la tournée de contrôle technique sur la corruption transfrontalière au sein de la CEDEAO, nous avons constaté la présence d’un impressionnant nombre d’enfants mineurs d’origine Béninoise dans plusieurs pays de la CEDEAO, seuls sans leurs parents, dormant sur des chantiers abandonnés ou dans des maisons en matériaux précaires, ou parfois même en pleine brousse et qui ont d’énormes difficultés pour manger à leur faim au quotidien et très mal habillés. La majorité de ces mineurs sont sans pièces d’identité béninoise, et c’est donc grâce à nos échanges en langues locales du Bénin que nous arrivons à déterminer leur origine », lit-on dans le rapport qui renchérit : « cette présence massive d’enfants Béninois Mineurs, victimes de la traite d’êtres humains a été constatée au Nigéria, au Ghana, notamment à Kéta, Accra, Takoradi, Témaet dans la ville D’Élibo.
Nous avons fait les mêmes constats En Côte d’Ivoire, (dans les villes d’Aboisso, Bonoua, et dans la périphérie de Port-Boué, Abidjan, Abobo, San Pedro, Toumondi, Bouakéetc), au Burkina-Faso, (Ouagadougou, Bobo Dioulassoet principalement dans plusieurs villes frontalières avec le Bénin)Et au Niger, (dans les villes de Dosso, Gaya, Niamey…).Dans ces pays, une partie de ces enfants mineurs dorment sur des paroisses de l’Église du Christianisme Céleste, d’autres dans des familles et chez des personnes de bonne volonté qui les recueillent ».
Ces enfants sont utilisés comme des bêtes de somme pour des travaux difficiles et pénibles. « Ces enfants sont souvent exploités soit, dans des domaines agricoles, soit sur des chantiers, soit pour effectuer des travaux de curage ou de fossoyeur dans les cimetières de certains pays, soit pour les travaux routiers et autres. Les responsables de ces trafics sont généralement originaires de Porto-Novo, Sakété, Bassila, Djougou ou des collines. Les enfants sont payés à raison de 5.000 FCFA par jour dans certains pays, mais les responsables de la traite Humaine gardent les sous par-devers eux et n’envoient que 20.000 FCFA le mois à d’autres tuteurs restés au pays, qui parfois même ne reçoivent rien », révèle ledit rapport. Certains de ces enfants sont confiés par les parents qui tirent profit de leur travail. « Les enfants sont confiés afin que les parents puissent avoir au moins 20.000 FCFA par mois, soit 31 euros pour survivre », précise toujours le même rapport qui met l’accent sur le rôle pervers joué par une organisation dénommée QNET qui les exploite au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger ou au Burkina.
La filière du Golf
Depuis quelques années, l’organisation a dénoncé les exodes de béninois, majoritairement des femmes vers les pays du golf tels que le Kowéït, le Liban, le Qatar et autres. Ces femmes qui proviennent essentiellement de l’Ouémé, des Collines et de la Donga sont utilisées comme domestiques, gouvernantes, agents d’entretien, babby-sisters dans ces pays. Mais souvent, le métier se transforme en un véritable calvaire pour elles avec son lot de bastonnades, de viols et même de crimes. Le rapport dénonce à cet effet, les complicités dont bénéficient les responsables de ces filières dans les délivrances des pièces. « A tout ceci s’ajoute la complicité de certains agents des mairies, des anciens CA ayant encore leurs anciens cachets et de l’ANIP dans la délivrance de faux actes de naissances sécurisés et de vrais faux passeports, ce qui confond la délivrance des visas Schengen, américain et autres dans ces passeports frauduleux délivrés aux membres du réseau de trafic d’êtres humains au Bénin », stipule le même rapport qui informe que « cette situation met le pays sur la liste des 148 pays surveillés par les partenaires au développement, au sein desquels la traite des humains est une réalité »