Annoncée à grande pompe comme un exploit de la coopération entre la Russie et le Niger, la construction d’une centrale de nucléaire civile pourrait s’avérer comme un projet lunaire qui ne sera jamais réalisé. En dépit de la bonne volonté des deux Etats, les difficultés et les écueils à surmonter sont tellement nombreux que beaucoup de spécialistes affirment qu’il s’agit d’un projet lunaire presque irréalisable.
Le 28 juillet dernier à Niamey, la Russie et le Niger ont signé un mémorandum de coopération dans le nucléaire civil. L’accord paraphé avec le géant russe Rosatom ambitionne de rendre l’électricité accessible à tous les nigériens grâce à l’exploitation de l’uranium nigérien. Aussitôt annoncée, la signature de cet accord avait suscité une liesse dans le pays. L’opinion nigérienne a accueilli favorablement ce projet synonyme d’autosuffisance énergétique pour ce pays longtemps en proie à des délestages en électricité de plusieurs jours.
Mais l’étape de l’euphorie de cette annonce spectaculaire sur la construction d’infrastructures civiles nucléaires passée, la structuration d’une telle filière au Niger fait en réalité face à des obstacles majeurs.
Le premier est d’ordre infrastructurel. En effet, selon des spécialistes du domaine, « les infrastructures actuelles du Niger, comme celles de la plupart des pays sahéliens, ne permettent pas d’intégrer en l’état l’énergie produite par une centrale nucléaire conventionnelle ou même par de petits réacteurs modulaires (SMR). Les capacités de transmission et de distribution sont clairement insuffisantes pour accueillir de tels volumes et garantir l’équilibre du réseau ».
Et ce n’est pas le seul. Le coût d’un tel projet est presque prohibitif. Par exemple, en Égypte, la construction de la centrale d’El-Dabaa , financée à 85% par prêt russe, a coûté au total 29 milliards de dollars. Ce genre de financement n’est pas adapté au Niger dont le budget annuel est inférieur à 3 milliards de dollars (pour 2025) et dont le PIB s’élevait à 19,5 milliards d’euros en 2025. En pleine récession économique, la junte peine à payer les fonctionnaires et surtout les FDS, il parait impensable de mettre en œuvre un programme aussi coûteux pour l’Etat. Le recours au nucléaire implique des investissements massifs, assortis d’un risque élevé de dépendance financière de longue durée vis-à-vis du partenaire étranger.
Enfin, le manque de compétences techniques pourrait être un handicap à la réalisation d’un tel projet. Les compétences requises pour concevoir, exploiter et réguler une filière nucléaire manquent cruellement au Niger, comme partout dans la région. Quelques programmes de formation, essentiellement à l’étranger, sont évoqués dans les déclarations qui ont suivi la visite du ministre russe de l’énergie à Niamey, mais le déficit d’ingénieurs, d’autorités de sûreté robustes et de main-d’œuvre qualifiée ne pourra être comblé qu’en une ou deux générations.
Au regard de ces trois difficultés, il faut donc rester prudent quant à la réalisation d’un tel projet. Derrière ces effets d’annonces, on peut bien flairer l’intérêt de Moscou à sécuriser son approvisionnement en uranium avec les permis miniers attribués à Rosatom, plutôt que de bâtir une filière nucléaire civile efficace. Un tel partenariat est donc gagnant à court terme pour les Russes et incertain pour le Niger car le développement effectif de capacités nucléaires civiles dans le pays, s’il se réalisera dans le futur, ne verrait pas le jour avant des décennies. Pour répondre à des besoins énergétiques immédiats, les énergies renouvelables (solaire, éolien) pourraient être des alternatives plus faciles à mettre en œuvre, immédiatement disponibles et financièrement plus accessibles.