Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle et ex –allié de Paul Biya a démissionné le 25 juin 2025. Il a annoncé sa candidature à la présidentielle d’octobre 2025 après avoir rendu sa démission. Dans un entretien accordé à Brut, cet ex-allié de Paul Biya a parlé de ses motivations. Il a profité de l’occasion qui est lui est offerte pour faire de troublantes révélations sur la gestion du pouvoir au Cameroun. Il a signifié que le président Paul Biya exerce aujourd’hui, le pouvoir par « procuration » et qu’il leur « donne l’impression d’être autiste ». Il a révélé également que l’actuel président Camerounais « n’a pas fait de conseil des ministres depuis 14 ans » et qu’il y a deux clans qui sont formés autour. Lire l’intégralité de son entretien avec Brut.
« Aujourd’hui mais malheureusement, le président de la République est atteint par l’Age. Il n’a plus le plus physique avec ses contraintes, ses exigences, il n’a plus la force pour exercer, il n’a plus la force pour exercer. Donc lui au pouvoir aujourd’hui, en vérité, ce n’est pas lui gouverne.
On s’aperçoit par exemple que durant les 14 dernières années, le chef de l’Etat qui préside aux destinées de notre nation, qui veuille à ce que toutes les institutions se déroulent normalement, n’a pas organisé un seul Conseil des ministres,
La deuxième observation, le président de la République nous donne l’impression d’être distant. C’est à croire que le pouvoir a cessé de lui procurer le plaisir, l’honneur de présider aux destinées de notre nation. Par exemple, au niveau du gouvernement aujourd’hui, i’ y a quatre ministres qui sont décédés, qui n’ont pas été remplacés. Nous observons également qu’il y a ce journaliste qui a été assassiné, victime d’une conspiration, assassiné de manière brutale, sauvage. Cela a suscité l’émoi de la nation en particulier du monde en général. Jusqu’à présent ; il n’a pas eu de suite. Les populations s’interrogent. Nous qui étions ses collaborateurs, on s’interroge .Qu’est-ce qui justifie ? qu’est-ce qui explique cette distance vis-à-vis du pouvoir ? Le chef de l’Etat nous donne l’impression d’être autiste.
S’agissant maintenant de son rapport avec le gouvernement, nous constatons plusieurs symptômes qui convergent vers ce qu’on peut appeler le syndrome de fin de règne. Le gouvernement de la République a cessé d’être un instrument au service de la République. Le gouvernement est aujourd’hui un instrument au service des puissances occultes. Alors ce pouvoir occulte, comme j’en ai parlé tout à l’heure, s’est aussi divisé en deux clans. Il y a un clan qui appartient à telle famille, à telle caste et l’autre clan qui appartient aussi à telle autre famille, à telle enseigne que ce pouvoir relevant de la souveraineté du peuple se trouve donc accaparé par ces deux groupes qui se battent pour le triomphe de leurs intérêts, mais surtout qui se battent dans la perspective du changement du chef de l’Etat à la tête de la nation.
J’avais pris la décision de l’accompagner jusqu’à la fin de sa carrière. Malheureusement, il se trouve, que le chef de l’Etat est inaccessible .Il est invisible. Aujourd’hui, ne sachant à quel saint se vouer, compte tenu de l’impossibilité donc d’être en contact avec lui pour discuter, partager avec lui, je me suis trouvé dans la nécessité, dans l’obligation de retirer mon engagement que je lui avais fait pour l’accompagner jusqu’à la fin de sa carrière. Cette décision ne procède pas du hasard, mais plutôt d’une très longue observation des rapports du chef de l’Etat avec la gouvernance, rapports du chef de l’Etat avec le gouvernement, rapports du chef de l’Etat avec les institutions de la République de manière générale.
Cette décision est le résultat également d’une réflexion mûrie avec les militants et les sympathisants de mon parti, dans la perspective donc du choix d’un des candidats, Et à chaque fois que j’ai posé le problème de tous les candidats en compétition, sur qui jeter votre dévolu, invariablement, en 2011 comme en 2018, ils ont toujours jeté leur choix sur le président Biya. Cependant, en 2025, je reprends le même exercice. Ces mêmes militants hier, qui spontanément étaient prêts à annoncer leur adhésion à la politique du président Biya, cette fois-ci, m’ont opposé une fin de non-recevoir. Ils refusent parce qu’après 43 ans, aujourd’hui, ils sont réduits à l’indigence. Ils ne l’acceptent pas. On ne gouverne pas une nation par procuration ou par délégation du pouvoir. Aussi longtemps que le président de la République était aux commandes et prenait des décisions qui étaient exécutoires, on peut dire : oui, il exerçait le pouvoir. Le pouvoir qu’il exerce aujourd’hui, il l’exerce par procuration. Et le fait, après 43ans, qu’il n’ait pas eu la possibilité de désigner quelqu’un qui puisse lui succéder si tel était la volonté du peuple camerounais donne l’impression effectivement que le pouvoir était sa propriété. C’est pour ça que nous disons : non, le pouvoir est la propriété du peuple et c’est le peuple qui, conformément aux dispositions constitutionnelles, procédait donc à l’élection du nouveau président. C’est donc pour toutes ces raisons, j’ai estimé qu’il était impossible de continuer mon expérience aux côtés du président de la République. C’est donc pour cette raison que j’ai décidé de démissionner du gouvernement.
Si le pouvoir était contre, il m’aurait interpellé, Jusqu’à présent, je ne fais pas l’objet d’une interpellation. Ça veut dire que ça a été acté. La seule chose qui ne changera jamais dans l’existence, c’est que tout change. Mais je n’innove pas. On ne reste pas fidèle à l’incompréhensible à l’inacceptable. Les Camerounais veulent le changement et ce changement prescrit à tous les Camerounais de manière générale, et ceux des partis politiques en particulier. Il faut qu’on se souvienne que l’immense majorité des Camerounais aspirent au changement. Il faudrait donc que les dirigeants de chaque parti politique individuellement fassent d’abord leur mue, leur aggiornamento, ensuite comprennent la nécessité de construire des passerelles pour que les uns aillent vers les autres afin que nous puissions mettre ensemble effectivement une dynamique et que nous puissions trouver éventuellement un seul candidat que nous présenterions contre le président du RDPC ».