Le gouvernement béninois, depuis plusieurs décennies, a cerné l’importance du planning familial. Mais la contraception, contre les préjugés et les mythes, peine à s’imposer dans une société ancrée dans les normes culturelles et les religions.
D’après FP2030 Indicator, le taux de prévalence de la contraception moderne est passé de 9% en 2012 à 16,6% en 2024, un taux très faible par rapport à celui visionné par le gouvernement béninois lors du dernier sommet de Londres au Royaume-Uni sur la planification familiale, le 11 juillet 2017. Ce taux était de faire passer la prévalence contraceptive de 17% en 2017 à 22% en 2020. Pourtant, l’EDSB 2011-2012 stipule que 82,4% de toutes les femmes connaissent au moins une méthode contraceptive, qu’elle soit moderne ou traditionnelle. Au-delà des défis techniques et financiers à la base de cet échec, la mésinformation continue sur les méthodes contraceptives au sein des communautés (surtout les plus vulnérables) constitue un grand obstacle à l’atteinte des objectifs fixés par le gouvernement.
À titre de rappel, la mésinformation consiste à relayer de fausses informations de façon non intentionnelle. La majorité des mythes liés à la contraception viennent des femmes elles-mêmes qui représentent les principales parties prenantes de la planification familiale. Entre 2017 et 2018, 33,1% des femmes mariées ou en union ont des besoins non satisfaits (BNS) en matière de méthodes contraceptives. Cette insatisfaction bien qu’elle soit influencée par la nature du milieu (rural ou urbain), le niveau d’éducation ou l’accès à l’information entraine une vague de rumeurs autour de l’inefficacité ou de la mauvaise qualité des contraceptifs. Selon plusieurs femmes, les implants entraînent des problèmes de santé physique et parfois la stérilité. D’autres rumeurs estiment que les DIU provoquent le cancer de l’utérus, ou que certains contraceptifs ne jouent pas leurs rôles, celui de bloquer l’ovulation. Un disfonctionnement qui peut conduire aux grossesses non désirées.
Mais d’après le « Guide de la planification familiale » de l’OMS, il est clair que les contraceptifs ont chacun leurs avantages et inconvénients. D’autres peuvent entraîner des effets secondaires tels que des saignements, des cycles irréguliers, des maux de tête… mais sans aggraver la santé. Un fait que confirment les agents de santé.
« Les méthodes contraceptives ne rendent pas malades », a avancé Eve AFFANOU, sage-femme au CHU MEL. « Les méthodes sont bien expliquées d’abord. On parle des avantages et des inconvénients et on voit si la femme est éligible à la méthode choisie », a-t-elle expliqué.
Les barrières culturelles et la religion
Les facteurs socio-culturels et religieux demeurent des obstacles pour la planification familiale. Selon le sociologue Jean DJISSOUKLOUNON, les pro-natalistes qui prônent la sauvegarde de la culture et les natalistes qui exigent un nombre élevé d’enfants dans les ménage sont des hôtes de préjugés sur la planification familiale et deviennent ainsi des canaux de fausses rumeurs influençant un grand nombre de leurs entourages.
Selon le Pew Research Center (PRC), le Bénin comptait en 2020 52,2% de chrétiens, 24,6% de musulmans et 17,9% d’adeptes du vodou. La religion a donc une forte influence sur les questions sociales au Bénin. Ainsi, qu’il s’agisse de pasteurs ou d’imams, les enseignements qui stipulent que la Bible ou le Coran sont contre toutes les méthodes contraceptives s’avèrent être faux selon plusieurs sources consultées. Ces fausses doctrines enseignées font des fidèles fervents des victimes de désinformation qu’ils propagent à leur tour. En effet, d’après plusieurs interventions de pasteurs, théologiens et islamophologues qui se sont penchés sur le sujet, les méthodes contraceptives modernes ou traditionnelles ne sont ni contre la Bible ni le Coran, aussi longtemps qu’elles demeurent non abortives.
Toutefois, ces mythes, lorsqu’ils ne sont pas démystifiés, limitent l’adoption des méthodes contraceptives les plus efficaces telles que les injectables, les implants ou le DIU. Aussi, le manque d’informations fiables et adéquates pour les femmes (surtout dans les zones reculées) amène d’autres à éviter d’adopter la contraception moderne.
Quel est le rôle des médias, blogueurs et influenceurs ?
Dans le Plan d’action national budgétisé (PANB) de la planification familiale 2019-2023, l’engagement des médias « est indispensable pour sensibiliser la population sur l’ensemble des informations nécessaires et relatives à la planification familiale, mais ce potentiel reste encore sous-exploité ». Il faut donc initier des ateliers de formation afin d’amener les différents types de médias (presse écrite, radio, télévision et magazines) à s’imprégner des questions de la planification familiale. Il faut promouvoir une implication durable des médias dans les questions de la planification familiale.
À titre d’exemple, Alliance Droit et Santé Niger, à travers des ateliers de sensibilisation sur la planification familiale au Niger en 2017, a amené des journalistes à s’engager dans la production d’au moins un article par mois et pour les animateurs radio, la diffusion des communiqués et émissions. Un comité a été ensuite installé pour le suivi des engagements.
Les influenceurs et blogueurs aussi peuvent jouer un rôle capital de par la popularité de leur audience composée en majorité de jeunes. Sur 12,62 millions d’individus vivant au Bénin, on recense 3,66 millions d’internautes (+10,4%), 91,8% de la population utilise un mobile, soit 11,58 millions de mobiles et 1,66 million d’utilisateurs actifs des réseaux sociaux (+7,5%) selon les statistiques de Digital 2022 Global Overview Report. Le Bénin possède donc une masse d’internautes.
« Dans notre société, plusieurs clichés, préjugés ou stéréotypes sont propagés, intoxiquant les populations qui ne demandent qu’à avoir accès aux informations vraies et fiables. Alors, pour démystifier les mythes, c’est à travers la production. Que ce soient les articles de blog, les vidéos ou les podcasts, blogueurs que nous sommes, nous allons à la quête des informations fiables auprès des spécialistes bien informés, nous les traitons et les mettons à la disposition du public », a expliqué Emmanuel LOCONON, journaliste et membre de l’Association des blogueurs du Bénin.
Les influenceurs, de concert avec des spécialistes de la planification familiale, peuvent, à travers des lives sur des réseaux sociaux comme Tik Tok, informer un bon nombre d’internautes (le jeune surtout) sur les différentes méthodes de contraception tout en participant à la promotion de la bonne information.
Ezéchiel Dagbégnon PADONOU