Le mercredi 06 avril 2016, Boni Yayi remettait le pouvoir et une bible à Patrice Talon. Les images projetées par le petit écran montrèrent un Boni Yayi très enthousiasmé, saluant très hilare les collaborateurs de son successeur avec quelques mots d’humour. Il affichait une telle insouciance qui inquiétèrent ses derniers soutiens. Il sortait d’une élection présidentielle périlleuse perdue par son poulain Lionel Zinsou et d’où il a perdu sa côte de popularité et son titre de « papa Bonheur », totalement écorché.
Il n’y avait pas grand-monde pour ovationner son cortège sur les deux kilomètres à peine qui séparent le palais présidentiel de sa résidence privée de Cadjêhoun. Il aurait même, selon certains récits apocryphes, été fortement hué et des fanatiques du nouveau pouvoir lui auraient même lancé des pierres. Quelques femmes de son ère culturelle, vêtues de blanc, avaient été mobilisées par des derniers compagnons fidèles pour lui rendre un hommage mérité après ses dix ans au service de la République. Le gros lot du contingent présidentiel et de la mouvance de l’époque avait déjà rejoint Patrice Talon dans les premières heures du différend juridico-politique qui opposa les deux hommes de 2012 à 2016. Ministres, conseillers, députés, tous avaient déposé bagages chez le nouvel homme fort en faisant allégeance de diverses manières. Qui en livrant des dossiers du pouvoir Yayi, qui en vendant de « petits secrets » du palais, qui en fabriquant à partir de leurs imaginations fécondes toutes sortes de mensonges pour diaboliser l’homme de Tchaourou.
Yayi était devenu l’ennemi public numéro un, si il ne l’est toujours pas. La communication politique du nouveau pouvoir, de même que les discours officiels avaient été construits autour de la négation du pouvoir Yayi. Rentré chez lui, il s’occupe à lire la bible et à fortifier sa foi. Ses journées furent marquées par les visites de quelques rares amis et de partisans et par les voyages à l’étranger pour participer à des sommets, conférences.
Dans la tête de bon nombre de Béninois, Boni Yayi c’est fini comme l’a si bien dit son ancien ministre Sacca Lafia. Il devrait couler une retraite politique dorée, loin des péripéties et des intrigues du pouvoir. Mais le programme et les actions du nouveau Président le relancent dans les sondages. Une fois le pouvoir conquis, Patrice Talon amorce son virage néo-libéral impitoyable. Ses premières actions qui se caractérisent par des fermetures de société d’Etat, de privatisations d’autres, des suppressions des mesures sociales, de votes de lois restreignant les libertés publiques et les champs de la démocratie et du pluralisme politique, des déguerpissements sauvages des « gagne-petit » des abords des voies et des premières persécutions et arrestations d’opposants et même de leaders politiques de son propre camp ont fini par agacer presque toutes les populations . Après un an d’exercice, le pouvoir Talon a déjà un passif lourd et douloureux : arrestation de Sébastien Adjavon, déguerpissement sauvage des populations des abords des voies, tentative obscure de la révision de la constitution…Le graal de cette politique c’est les tirs sur les populations les 1er et 02 mai 2019. Si bien qu’en cette année, trois ans après sa prise de pouvoir, beaucoup de Béninois ont déchanté, se remettant à la prière afin que Dieu touche le cœur du nouveau président pour qu’il respecte son propre vœu de quitter le pouvoir après un mandat. Le pestiféré du 06 avril 2016 revient progressivement dans les cœurs. Son assignation à « résidence bloquée » pendant 52 jours la même année relance totalement sa côte de popularité et le replace au rang du « sauveur ». Ses sorties politiques sont toujours empruntes de la même ferveur populaire comme s’il était toujours au pouvoir. Progressivement, il y a plus du monde qui se bouscule au portillon de sa maison et il a réussi à reconstituer un autre parti après le hold-up opéré par Paul Hounkpè et consorts.
Comme un premier bonheur est toujours accompagné d’un second, Talon le propulse dans un rôle stratégique pour l’élection présidentielle de 2026 avec les amendements votés par sa majorité au sujet du Code Electoral du 04 mars 2024. Désormais, il sera celui qui va presque désigner le candidat du parti Les Démocrates, le seul qu’attend tout le peuple pour savoir s’il y a élection présidentielle en 2026. Une sorte de match retour de la présidentielle de 2016. Cette fois entre le candidat de Talon et celui que Yayi s’apprête à désigner. En votant pour Patrice Talon en 2016, les Béninois avaient décidé de donner une retraite à Boni Yayi et de mettre fin à son système. Par ses actes et décisions politiques, Patrice Talon a réhabilité Boni Yayi. La pierre rejetée par les bâtisseurs…