L’Institut des Artisans de Justice en et de Paix (IAJP/CO) a clôturé, ce 7 août 2025, son cycle annuel de débats du jeudi soir avec une conférence-débat autour du thème : « Souveraineté du pouvoir politique en Afrique : entre unité africaine et impuissance des dirigeants africains ? ». Ce débat contradictoire, organisé sous forme de panel, a réuni le professeur Hygin Kakai, l’honorable Lazare Maurice Sèhouéto et l’honorable Joël T. S. Godonou dans la salle de conférence de l’Institut.
Une continuité dans la réflexion
En ouverture, l’abbé Hermann Agboffo, directeur adjoint de l’IAJP, a rappelé que cette rencontre s’inscrivait dans la continuité d’un premier débat tenu le 10 juillet 2025. « La souveraineté africaine se présente comme une jarre trouée, interpellant la responsabilité de chaque Africain, de l’homme de la rue jusqu’au dirigeant », a-t-il lancé, invitant les participants à apporter « leur pierre à l’édifice » de cette réflexion collective.
Une souveraineté fragilisée
Les échanges ont porté sur les obstacles majeurs à la souveraineté africaine. Le député Lazare Maurice Sèhouéto a souligné : « Ne serait-ce que par la langue que nous utilisons pour administrer nos pays… nous ne sommes pas contrôlables. » Selon lui, cette absence de contrôle favorise une tendance à contourner les lois et normes, dans un comportement généralisé d’« autoincapacitation organisée ».
Le professeur de sciences politiques Hygin Kakai a, pour sa part, distingué trois types de relations internationales que l’Afrique entretient. D’abord, les rapports de convergence, tels que la CEDEAO ou l’UEMOA, qu’il considère comme bénéfiques malgré les critiques. Il a cité l’exemple de l’instauration d’un passeport communautaire dans ces espaces sous-régionaux. Ensuite, les rapports de coopération, qu’il juge inégaux, et enfin les rapports de subordination, qu’il estime inévitables, notamment à cause des accords coloniaux et bilatéraux souvent signés sans discernement, dans le seul but de se maintenir au pouvoir.
Le député Joël Godonou, du parti Les Démocrates, a rappelé que l’État africain promu par le panafricanisme reste un idéal encore lointain. Pour l’élu de la 16ᵉ circonscription électorale, « la construction d’un État-nation solide et d’une idée continentale est un processus long, complexe, marqué par des rivalités et de profondes différences culturelles ». Il a également évoqué l’échec des fédérations, dénonçant l’influence persistante d’acteurs extérieurs sur les décisions essentielles.
Des pistes de solution
Sur les solutions possibles, les trois panélistes ont insisté sur la nécessité d’un engagement fort, à la fois individuel et collectif. Pour Lazare Maurice Sèhouéto, « il nous a manqué de véritables leaders audacieux ». Il a martelé : « Est-ce une fatalité ? Non. Mais pour que l’Afrique s’en sorte, cela passera par des douleurs, par des larmes. » Par là, il entend de profondes réformes des États. Il a également déploré le manque de synergie entre pays africains : « Il y a une zone économique au Togo, une autre au Bénin. Chaque pays veut sa zone économique au lieu de rechercher la complémentarité. »
Le professeur Hygin Kakai, quant à lui, estime qu’aucun pays africain, pris isolément, ne pourra construire l’unité africaine. Il émet toutefois des doutes : « Je ne suis pas certain qu’on puisse encore rattraper le retard. Peut-être peut-on réformer nos États vis-à-vis de l’extérieur, mais pour cela, il faut que chaque État accepte de céder une partie de sa souveraineté. »
De son côté, le député Joël Godonou plaide pour la restauration de la légitimité interne : « Cela passe par des élections libres, des institutions fortes – et non des hommes forts – une véritable séparation des pouvoirs et une justice indépendante. » Il appelle également à une diplomatie africaine cohérente et collective : « L’Afrique ne doit plus subir l’ordre mondial. Mais cela ne pourra se faire que dans une démarche collective. »