A quelques mois des élections générales de 2026, un point du Code Electoral donne de l’insomnie à tous les partis. Il s’agit de l’article 146 qui conditionne l’attribution des sièges à 20% des suffrages dans chacune des 24 circonscriptions électorales. Face à la fermeté du chef de l’Etat – et de sa majorité parlementaire- de ne pas réviser ce code avant les prochaines élections, le Docteur Nadin Tayewo Kokodé fait deux propositions innovantes pour contourner le piège des 20%.
Les intellectuels ont peur à l’heure de la Rupture d’exposer leurs points de vue. Comme nombre d’entre eux, acteurs politiques et politistes béninois qui ne s’expriment plus, je savoure ma bruyante tranquillité bien plus substantielle que le calme réfrigérant des geôles à l’ère de la Rupture. Mais il n’y a plus me dit-on de lecteurs. Qu’importe ! Continuons à écrire, la postérité lira et jugera.
Voilà la polémique sur le Code Électoral repartie, s’enflant de nouveau. Le Peuple Béninois saturait de ce débat. J’avais aussi fait mon deuil d’une modification du Code Électoral, cousu mes lèvres, attaché mes mains de peur de ne frustrer quelque faible âme puisqu’à l’évidence désormais ceux qui nous dirigent aux moindres mots se considèrent harcelés et sans coup férir se découvrent psychologiquement chétifs. Mais je prends toujours le bon côté des affaires. Je me réjouis donc que le Président de la République nous invite tout simplement à remettre le débat du Code Électoral sur le tapis, et j’apporte de ce pas ma pierre à l’édifice sans la moindre provocation, sans l’ombre d’injure, encore moins esprit de satire. L’affaire est trop sérieuse pour que l’on ne s’égare dans de telles méprises.
Qui ne saurait apprécier à leur juste valeur les efforts fournis en matière d’urbanisation et de mobilité urbaine dans nos cités depuis plusieurs années ? Quel Béninois ne souhaiterait rouler sur l’autoroute des libertés fondamentales dans la grande Cité de la Démocratie béninoise, condition sine qua non pour le retour de la cohésion sociale ? Quel Béninois ne souhaiterait pas que les meilleurs d’entre-nous puissent gouverner ensemble pendant les dix ou quinze prochaines années dans les règles de l’art et dans la crainte d’une justice équitable afin de faire de notre Pays, le plus beau, le plus grand, le plus digne ?
En 2026, pardonner sans oublier c’est possible, gouverner ensemble avec peu de frictions à condition bien sûr de libérer des prisonniers d’opinion, de permettre le retour des exilés politiques à la maison pour que s’impose la tenue d’Élections apaisées. Ce sont là quelques freins au vivre ensemble auxquels il faudrait ajouter d’éventuels coups de Trafalgar. Hélas, tout cela est si loin mais si près.
LE NOUVEAU CODE ÉLECTORAL, UN OUVRAGE D’ART ?
J’ai beaucoup de respect pour les Institutions de notre Pays, notamment pour celles qui représentent l’État. Quand bien même je n’apprécierais pas sa gouvernance, je n’ai aucun problème à constater que le Chef de l’État actuel semblerait aimer le travail bien fait et semblerait savoir qu’hormis la solidité d’un ouvrage architectural, la cosmétique, ce que perçoit du premier regard l’amateur, est d’une très grande importance. Ce qui fait qu’aujourd’hui « la Place de l’Amazone » soit devenue iconique, à l’instar de notre éternelle « Place de l’Étoile Rouge », c’est l’œuvre artistique et les fonctionnalités, plus que l’ouvrage architectural : il fait bon d’aller flâner sur cette Place, non loin de la Présidence de la République, comme l’on irait flâner aux abords du Congrès ou de la Maison Blanche à Washington. Une œuvre d’art se visite, se vit et les plus avertis, discrètement cherchent à en connaître l’auteur. Mais, plus c’est laid, plus l’on se demande, déconcerté, « qui est l’auteur de cette hideuse représentation, cette immondicité ? ». C’est ce que vit hélas notre Loi 2024-13 du 15/03/2024 portant Code Électoral, comme le Code Électoral précédent.
Ce que nous reprochons à quelques dispositions de cette loi, c’est cette logique irréfléchie, intolérable, suicidaire de notre esprit de vivre ensemble, qui tend à occire l’esprit même d’une loi électorale : rendre une élection crédible. Une bonne loi me semble-t-il devrait aussi être à l’instar d’une belle œuvre d’architecture et d’art, peu importe le Législateur, un joyau, une beauté. Dire que « la loi dispose pour l’avenir » sous-entendrait ainsi que conscient du fait que l’on ne peut prévoir tous les cas de figure, le Législateur fait de son mieux pour que les recours ne fassent pas florès à l’aune de ses ambiguïtés ou lacunes. Une loi qui n’anticipe pas assez n’est pas une loi de qualité.
Je présume en effet que comme pour les œuvres d’art, chaque Chef d’État craint que certains juristes ne cherchent à imposer leur expertise de bon aloi. C’est de bonne guerre. Je ne suis pas juriste, je suis juste et demeure un simple acteur politique. Mais je sais qu’il est de principe que les tribunaux ne peuvent rendre « des arrêts de règlement » donc « se substituer ni au pouvoir législatif ni à celui de l’autorité administrative disposant du pouvoir réglementaire pour définir une règle obligatoire ». Je mesure ainsi le poids des décisions exceptionnelles que peut prendre notre Cour Constitutionnelle. Elle n’est en effet pas habiletée à légiférer en vertu de la séparation des pouvoirs.
La critique qui s’impose sur la loi 2024 – 13 du 15/03/2024 portant Code Électoral est évidente, nul besoin d’être la proie de l’exégèse. La majorité parlementaire se doutait peut-être, ruse et rage aidant, que cette loi serait promulguée quoi qu’il en soit comme bien d’autres. La lecture des dispositions qui génèrent polémique met en évidence ses incohérences, ses faiblesses volontaires ou non. Pour ne préjuger d’aucune mauvaise foi de la part de nos Élus, difficile de ne pas se résoudre à cette interprétation selon laquelle il s’agit d’une loi bâclée, irréfléchie, quand même nul ne serait parfait, qu’aucune loi ne saurait tout prévoir et que nul ne peut non plus être omniscient.
Malus d’un non-alignement sur une deuxième révision opportuniste de notre Constitution ? Je constate donc par devoir que l’architecture de la Loi 2024-13 du 15 mars 2024 est mal charpentée et que le produit final de mauvais goût ne tient nullement compte de l’intérêt supérieur de la Nation mais d’irréalistes querelles politiciennes. Nous, Peuple Béninois, qui avons voté, délégué notre pouvoir à nos Députés, sommes donc punis d’avoir fait confiance à nos Élus. D’aucuns sont harassés de voir ainsi nos politiciens exceller dans une rhétorique de mépris de notre intelligence. D’aucuns pourraient penser que cette réforme ne nous honore pas, nous Béninois.
Notre Pays gagnerait à se révéler de manière plus harmonieuse dans tous les domaines. C’est bien pour cela que nous devons veiller à ce que les Élections Législatives de 2026 produisent une Législature brillante, étincelante pour enfin bâtir un Pays Nation.
UNE IMPASSE, IL N’Y A PAS l’OMBRE D’UN DOUTE
Je ne saurais harceler ni défier quiconque en caractérisant « d’impasse » les dispositions de l’article 146 alinéa 1 de notre Code Électoral. J’utilise juste un registre lexical qui me semble mieux adapté que « cul de sac ». Pour mémoire, en son article 146 notre Code Électoral stipule : « seules sont éligibles à l’attribution des sièges les listes ayant recueilli au moins 20% des suffrages dans chacune des circonscriptions électorales législatives ».
« Toutefois, pour les partis politiques ayant conclu et déposé à la commission électorale nationale un accord coordonné de coalition parlementaire, il sera procédé pour le calcul du seuil prévu à l’alinéa précédent à la somme des suffrages de ceux ayant recueilli au moins 10% des suffrages obtenus au plan national ».
Le risque qu’aucune liste, ou qu’aucune coalition de listes, ne satisfasse aucun des deux critères n’entraîne pas automatiquement de litige entre les Partis politiques ayant présenté chacun une liste. Si tous les Partis Politiques supposent au décours des Élections qu’il n’y a point d’irrégularité, même si aucun d’entre eux ne recueille aucun siège, il n’y aurait toujours pas de litige à porter devant la Cour Constitutionnelle, l’on suppose que celle-ci se contenterait de constater qu’il n’y a pas d’Élu pour les Législatives de 2026.
L’article 146, sujet de la querelle, met donc tous les partis politiques sur le même pied d’égalité au cas où aucune de leurs listes ne recueillerait aucun siège : c’est cela « l’impasse ». Les Partis peuvent naturellement faire constater d’autres irrégularités qui pourraient ne rien changer au résultat fatidique de leur échec.
J’espère que le lecteur est pour le moins d’accord avec moi sur ces quelques points de sémantique, notamment que le litige en matière électorale devra forcément opposer au moins deux Partis politiques et que « l’impasse » évoquée pourrait concerner tous les Partis politiques à la fois et en même temps sans les opposer les uns aux autres. Cela n’a rien de partisan, c’est une simple équation, une hypothèse.
L’essence de tout Code Électoral est de mettre en place des conditions favorables pour les Élections. Un Code dont aucune disposition ne mène indubitablement au recueil de siège manque à ses obligations. Dès le constat fait, il serait opportun et utile de résoudre le problème hic et nunc et tant qu’à faire instamment, et non à mon humble avis attendre les conséquence a posteriori pour pondre une loi, comme la loi 2020 -13 du 04 juin 2020 portant interprétation et complétant la loi 2019-43 du 15 novembre 2029 portant Code Électoral.
Comment pourrions-nous faire comprendre à nos enfants que des Assemblées Nationales incapables de produire un Code Électoral pendant sept ans, furent de belles Assemblées. Et pourtant, je n’ai aucun doute sur la qualité de certains Élus de ces 8ème et 9ème Législatures que semble nous envier d’autres pays.
Pour ce qui est du rôle de la Cour Constitutionnelle, c’est évident, elle ne pourra à aucun moment statuer pour modifier le Code Électoral en édictant de nouvelles règles à la place du Législateur, ni avant, ni pendant, ni après la procédure électorale. Elle n’est pas compétente pour ce faire
VERS UNE SOLUTION CONSENSUELLE
Critiquer est une bonne chose, mais critiquer et proposer des portes de sortie semble encore mieux. Ainsi, si l’on part du principe voire du postulat que l’on souhaite que les Élections de 2026 se tiennent avec toute la rigueur qu’impose une Démocratie et dans une atmosphère apaisée et gaie comme jadis chez nous, il y a des solutions politiques qui pourraient nous empêcher de jouer « allègrement » avec les mots « impasse » ou « pas impasse ». Bref, si gouverner c’est vraiment prévoir, pourquoi ne pourrions-nous pas éviter d’aller vers l’incertain ? Deux solutions me semblent possibles. Je ne dis pas qu’il n’y en a que deux. Celles-ci sont mes propositions.
L’article 146 alinéa 2 du Code Électoral , rappelons-le ne fait aucune mention du nombre maximal de partis politiques pouvant signer un accord de coalition parlementaire. Qu’ils soient deux ou vingt qu’importe donc. Si l’on décide d’aller aux Élections avec la loi telle quelle, les partis politiques, Mouvance comme Opposition, auraient tort de ne pas pleinement exploiter cette disposition en maximisant leurs chances afin de tenter de minimiser l’émiettement des voix de chaque groupe de partis. Le schéma optimal de signature d’accords parlementaires n’aboutirait qu’à deux accords parlementaires :
1- Un pour tous les Partis de la Mouvance en lice
2- Un pour tous les Partis de l’Opposition en lice
Le risque ici rappelons-le est ainsi celui de l’impasse au cas où aucun bloc ne satisferait les deux exigences de cet article.
Il existe deux solutions pour éviter la probabilité de survenue d’une impasse dont la modélisation mathématique avec ne seraice que quatre partis en lice donne des milliers de combinaison.
Première solution :
La première solution, extrêmement simple et logique, serait de retourner à l’Assemblée modifier la Loi Électorale et d’en extraire de façon consensuelle le premier alinéa de l’article 146. C’est le rôle de l’Assemblée Nationale, c’est ce qui aurait dû être fait depuis. Mais le Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, stipule en son article 2 qu’ « aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques », il faut donc le consentement de la majorité parlementaire pour étouffer dans l’œuf la crise électorale qui pointe à l’horizon.
Repartir à l’Assemblée Nationale permettrait aussi de résoudre le problème des procès-verbaux des Élections Législatives. Je crois au bon sens de nos Élus qui mettront certainement un point d’honneur à nous sortir du stress en adoptant cette solution qui me semble la plus sage. Ce dont le Bénin a besoin aujourd’hui c’est du consentement d’une large majorité pour obvier à toute crise électorale lors des Élections Législatives de 2026.
La seconde solution :
La seconde solution serait bien plus simple mais nécessiterait un esprit inégalé de conscience nationale de part et d’autre. Elle consisterait à réunir tous les partis politiques du Bénin en lice, Mouvance comme Opposition, dans un seul et unique accord de coalition parlementaire.
Dans l’esprit de trêve et de pacification des joutes électorales du Protocole Additionnel de la CEDEAO, mais surtout dans l’esprit de CONSENSUS de la Conférence des Forces Vives de la Nation de 1990, si les partis politiques UPR, BR, LD acceptent de signer tous ensemble un accord de coalition parlementaire, je pense que tous les autres partis politiques s’y associeraient, ledit premier alinéa l’article 146 du Code Électoral deviendrait sans objet. L’on reviendrait alors aux dispositions de la loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code Électoral qui stipulait en son article 146 que « seules les listes ayant recueilli au moins 10% des suffrages valablement exprimés au plan national sont éligibles à l’attribution des sièges ». Le Peuple Béninois aurait agi en responsable.
Sans pour autant apporter des modifications au Code Électoral, ce qui constitue une insuffisance de cette solution, il s’agirait de gommer les effets néfastes du premier alinéa de l’article 146 de l’actuel Code Électoral. Après quoi, nous retournerions à nos joutes verbales.
De mes deux propositions de solution la seconde serait une innovation démocratique. Dans les deux cas, il s’agit de solutions politiques qui ne seront réalisables que si les acteurs concernés acceptent d’y prêter attention.
Si je pars du principe d’une part, que le Chef de l’État espère que tous les Enfants du Bénin se retrouvent pour gouverner le Pays de façon concertée à partir de 2026 et que, d’autre part, les Partis de la Mouvance présidentielle constituant à ce jour les partis majoritaires évoluent dans le même esprit, si je pars du principe que le Parti les Démocrates, alors qu’il a plus de chance que n’importe quel autre Parti politique aujourd’hui de remporter les prochaines Élections générales, souhaiterait néanmoins que nous ayons des Élections apaisées, et que la 10ème Législature ne soit pas « monocolore », je ne vois pas pourquoi les Partis UPR et BR ne viendraient pas à la pacifique table dressée par l’Opposition afin de sortir le Peuple Béninois grandi à la fin de cette épreuve.
Le Peuple a besoin de nous entendre sur nos projets. Sortons de cette crise de façon simple. Retournons à l’Assemblée modifier la loi, ou entendons-nous de façon intelligente pour signer un seul et même accord de coalition parlementaire afin d’annuler l’effet de cette disposition qui nous handicape déjà. Qu’importe ce que nous décidons de faire, faisons-le désormais mieux.