(Des riverains et propriétaires terriens expropriés pour rien ?)
Annoncé comme le plus gigantesque et séduisant projet infrastructurel du régime de la rupture, l’aéroport international de Glo-Djigbé se révèle comme un grand fiasco. Près de huit ans après, la première pierre posée en son temps a été envahie par les hautes herbes. Et ceci sans qu’aucune voix ne puisse en donner la moindre explication.
Le Vendredi 10 mars 2017, Hervé Hêhomey, alors ministre des infrastructures et des Transports, à la tête d’une forte délégation composée des ministres José Didier Tonato du cadre de vie et du développement durable, Sacca Lafia de l’intérieur et de la sécurité publique et de Barnabé Dassigli de la décentralisation et de la gouvernance locale a procédé, tambour battant, au lancement des travaux préparatoires entrant dans le cadre du démarrage effectif de la construction de l’aéroport international de Glo-Djigbé. Bientôt 08 ans que ce géant projet devenu gros éléphant blanc devrait recevoir la première pioche pour sa réalisation. Mais malheureusement, le projet est resté à l’étape de projet vieux de plusieurs décennies malgré les promesses et assurances du régime dit de la rupture. Le hic est que ce projet inscrit dans le Programme d’Actions du Gouvernement « Bénin Révélé », a fait de milliers de malheureux béninois qui ont été expropriés sans qu’un seul avion ne survole leurs domaines situés surtout dans l’emprise du site de l’aéroport. Ce 10 mars 2017, le maire Georges Bada dans son intervention avait même déjà remercié le président Patrice Talon pour avoir concrétisé ce projet qui date de 1974.
Le mardi 29 juin 2017, devant la représentation nationale à Porto Novo, le ministre béninois de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni, au cours du débat d’orientation budgétaire, a fait savoir que : « Le projet de l’aéroport de Glo-Djigbé est bouclé à 100 % ». Courant 2018, ce projet est brandi comme un exploit puisque tous les régimes précédents ont échoué dans sa concrétisation. Des magasines et tabloïds internationaux présentent le projet dans toutes ses facettes : un aéroport de standing international qui fera du Bénin un hub aéroportuaire dans la sous-région. Estimé à 360 milliards FCFA, 215 milliards Fcfa devraient être financés par Exim Bank Chine, le reste par le gouvernement béninois. En affirmant que le projet est bouclé à 100%, le ministre des finances soutient donc que le gouvernement avait déjà mobilisé la part de l’État et que les privés ont également libéré leur contribution de 215 milliards FCFA. La question est donc de savoir, ce qui a bloqué l’exécution du projet depuis bientôt 08 ans.
Volte face
Après le bling-bling, un silence assourdissant envahit le projet. Sur les lieux, les visites et les inspections ont cessé avec le temps et les bouches qui en parlaient se sont tues. Il a fallu attendre 2022, soit plus de quatre ans après pour entendre une voix autorisée donner les raisons du non démarrage des travaux. C’est Jacques Ayadji, Directeur Général des Infrastructures qui ose l’explication. Reçu e dimanche 22 mai 2022 sur l’émission « Entretien » de E-Télé, il explique : « la baisse drastique du trafic aérien provoquée par la pandémie en serait plutôt la cause. Et engloutir des ressources pour un tel projet dans un contexte de crise sanitaire de Covid-19, n’est pas opportun. D’où l’option du gouvernement de rénover l’aéroport international cardinal Bernardin Gantin de Cotonou ». Il est évident que son explication n’a convaincu personne puisque le gouvernement n’avait pas, en 2017, entendu parler de Covid avant de lancer le projet et aujourd’hui, le covid est passé sans que les travaux ne démarrent. Selon des indiscrétions, les principaux partenaires du gouvernement sur le projet auraient changé d’avis en différent leurs financements ou en les subordonnant à d’autres exigences auxquelles le gouvernement n’entend pas donner un avis favorable.
L’exécution du chantier avait déjà été confiée au spécialiste chinois de la construction aéronautique AVIC (Aviation Industry Corporation of China) avec l’assistance technique d’ADPI (Aéroports de Paris Ingénierie). Selon son cahier des charges, AVIC devrait construire « une piste d’atterrissage de 4.250 m de longueur, 60 m de largeur, un terminal voyageurs d’une capacité de 1,6 million de passagers par an, une aérogare de fret pouvant traiter 12 000 tonnes par an, des voies de sortie rapides et des bretelles de raccordement ».
Parallèlement, une voie express de 40 km, prévue dans la cadre du projet, devrait permettre de raccorder le nouvel aéroport à l’ancien via la Route nationale inter-états n°1 (RNIE 1) qui relie la frontière nigériane à celle togolaise. Tous ces processus ont été effectifs sans que le projet ne bouge d’un seul pas. Même les expropriés avaient été dédommagés créant en son temps de sérieuses crises socio politiques qui ont failli embraser le pays. Le gouvernement avait fixé la marge des dédommagements après avoir divisé le périmètre aéroportuaire en 13 valeurs foncières. Mais les propriétaires terriens s’y étaient opposés parce que le mètre carré était entre 75 FCFA et 2.500 FCFA. Trop bas pour les propriétaires terriens qui ont battu le macadam, brûlant des pneus et paralysant la circulation pendant des heures. Plusieurs parmi eux avaient été arrêtés.
Grave injustice
Le lundi 09 février 2018, le successeur de Hervé Hêhomey, Monsieur Cyr Koty alors chargé des infrastructures et des transports, a procédé à la remise symbolique des chèques aux ayant-droits. Selon l’article 22 de la Constitution béninoise, « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et contre juste et préalable dédommagement ». Le Code foncier béninois instaure également le dédommagement en son article 211 qui dispose que « l’expropriation d’immeubles, en tout ou partie, ou de droit réel, pour cause d’utilité publique s’opère, à défaut d’accord amiable, par décision de justice et contre le paiement d’un juste et préalable dédommagement ». Mais le dédommagement des expropriés de Glo-djigbé était-il juste ? Qu’est devenu le projet pour lequel des milliers de propriétaires terriens ont été délogés ? A quoi ont servi finalement les fonds mobilisés ? La GDIZ a-t-elle pris la place du géant projet de construction de l’aéroport international de Glo-djigbé ?
Une chose est certaine, les populations riveraines de l’aéroport de Glo-djigbé semblent avoir été expropriées pour rien puisque les béninois attendent toujours le démarrage du projet et plus encore le premier avion qui atterrira ou décollera de l’infrastructure promise à cor et à cri au peuple béninois, et surtout à grand renfort médiatique, depuis le premier mandat du président Patrice Talon.