Alors que les tensions internationales accentuent la division entre l’Occident et l’axe Moscou-Pékin, la Russie attire une partie des populations africaines. Certains voient en Moscou une alternative aux partenaires traditionnels de l’Afrique. Cependant, il est essentiel d’examiner objectivement les relations entre la Russie et l’Afrique.
Une empreinte économique inexistante
De Bamako à Bangui en passant par Ouagadougou, la Russie veut se présenter en alternative aux partenaires traditionnels des pays africains. Dans le domaine économique cependant, cette vision est loin d’être conforme à la réalité. En effet, Moscou représente moins de 1% des investissements directs étrangers sur le continent. A titre de comparaison, la Chine a investi 72 milliards $ sur le continent entre 2014 et 2018, la France a injecté 34 milliards $, les USA 31 milliards $ et les Emirats arabes unis 25 milliards $. La part de la Russie est de moins d’un milliard de $.
Un pays comme l’Italie par exemple, qui affiche le même produit intérieur brut que Moscou a investi 6 milliards $ sur le continent. En outre, plus de 70% de son commerce africain concentré dans seulement quatre pays : l’Égypte, l’Algérie, le Maroc et l’Afrique du Sud. Aucun pays sub-saharien n’apparaît dans cette liste.
Les répercussions de la guerre en Ukraine sur l’Afrique
L’offre russe est donc pour le moins faible sur le plan économique. La capacité de Moscou à nuire à ces économies africaines est cependant inversément proportionnelle à sa présence. La guerre en Ukraine en a donné une bonne démonstration.
Déclenchée par la Russie, ce conflit a des répercussions négatives sur le continent africain. La réduction des exportations de céréales ukrainiennes, essentielles pour l’Afrique, a conduit à une augmentation significative des prix sur le marché mondial. En bloquant les ports ukrainiens, la Russie a réduit de 75 à 80% les capacités d’exportation des céréales, exacerbant l’insécurité alimentaire sur le continent.
Les coûts élevés des interventions militaires
Si l’empreinte économique russe en Afrique est faible, Moscou est salué par certains pour ses actions militaires. Selon le discours des partisans du régime Poutine, l’irruption des troupes de Wagner sur les théâtres africains constituerait une panacée à la flambée terroriste que connaît le continent. L’intervention militaire russe, notamment par le biais de la société Wagner, est souvent saluée par certaines autorités africaines, mais elle constitue un fardeau financier considérable. Au Mali, le coût annuel de Wagner est estimé à 120 millions de dollars, soit deux fois le budget du ministère malien de la Justice ou 45% du budget de la Santé. En République centrafricaine, les dépenses liées à Wagner atteignent 400 millions de francs CFA par semaine, soit environ 31 millions de dollars par an. Ces financements opaques favorisent la corruption et entravent le développement économique local.
De plus, la présence de Wagner et d’autres groupes paramilitaires russes a exacerbé les violations des droits humains. Au Mali, par exemple, le nombre de civils tués a augmenté de 54% entre 2021 et 2022, passant de 584 à 1 277 morts, selon un rapport de l’ONU. Cette augmentation de la violence compromet la sécurité et la stabilité des régions concernées.
Le désir légitime des pays africains de repenser leurs relations avec les autres pays du monde, ne doit pas les pousser à tomber dans un piège maquillé par des campagnes de désinformation. Si l’on peut légitimement questionner les résultats obtenus par les régimes de l’ère démocratique, il est aussi légitime de se demander si l’option russe fait sens dans un contexte international où la diversification des partenaires est possible.